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Espace poétique
7 juillet 2016

ta petite soeur

Dans quelques heures, mon frère, tiens toi bien, l'horloge des naissances va sonner 54 ans.......de là où tu es, te rends-tu compte ?

Mais ce n'est pas ces 54 ans qui m'affolent, eux passent tranquillement dans le sang et me mettront quelques cheveux blancs de plus et quelques rides supplémentaires autour de tout....ce n'est rien, j'aime bien, ça me fait rire même.ce n'est qu'une succession de jours et de nuits parcequ'on compte et décompte le temps de cette manière qui en vaut bien une autre......;

Non, ce qui m'affole, c'est ce chiffre 40...40 ans , puisque lorsque tu as disparu, j'ai eu droit à une nouvelle mise au monde, si violente celle-ci.....chaque année je pense que je vais traverser ces jours sans frémir ni tressaillir, mais ma mémoire se met à plat et lance ses bip bip à tout va dans tous les couloirs...je dois donc m'asseoir et attendre que le manège s'arrête. Pas question de volonté, là, moi qui en ait une qui m'a déjà bien servie dans toutes les épreuves, là je n'en ai aucune. Je me laisse faire, me laisse traverser  , balloter, sentant comme des vagues peuvent encore me submerger..

C'est étonnant le chagrin et ses strates non ? je vis réellement une belle vie tu sais, je rencontre des chaleurs humaines, de la bienveillance, des sourires tous les jours, tes nièces sont deux jeunes femmes extraordianires que tu aimes , je le sais, là où tu es.....tu souris quand je t'en parle, parceque bien sûr je te parle tous les jours...et si j'oublie de te raconter, tu viens me chercher d'une manière ou d'une autre.

Hier notre maman me disait que tu serais très content de voir tout ce que je fais de ma vie, quels chemins un peu à part j'arpente, que tu aurais mes livres dans ton sac ( ah ton sac, rien que son évocation ouvre avec force le flacon du souvenir odorant de ton sac quand tu revenais la nuit de tes "promenades" )

Que nous aurions " fini ensemble, ce n'est pas possible autrement ", que" nous sommes si pareils que en partant, tu as laissé beaucoup de toi en moi......" et " que nous sommes de la même graine" . Cette idée est belle...et douce à entendre, ressentir, maintenant.

J'ai eu du mal à avancer avec cette idée tu sais...je te l'ai déjà dit mais je ne m'y retrouvais pas entre toi plus là, et moi encore là...et les regards tristes qui ne savaient plus parfois qui de nous deux était encore là...j'ai grandi de coin, bancale, avec un gros cratère fumant, noir, dans le corps et le coeur.....

Puis, la vie est un miracle.C'est pour ça que je l'observe tous les jours dans la nature, ces bourgeons qui apparaissent sur des branches cassées, ces graines enfermées pendant des dizaines d'années sous des terres sèches et dures et qui germent on ne sait comment.

 

Durant ces quarante ans sans toi, cette force de la nature a fait ça chez moi......depuis quelques jours, je suis plongée dans le cratère pour voir ce qui s'y passe, ce qui s'est passé depuis un an , et il y a des fleurs Hervé, il y a des fleurs.......je lève les yeux vers le ciel en t'écrivant, les mots s'arrêtent quelques secondes et je vais me poser contre ton grand corps bleu...je sens tes doigts dans mon cou....tu me souris et c'est si bon....

En réalité, à part ton absence physique, à part tout ça, tu ne m'as pas vraiment quittée...je l'ai su très vite mais parfois ça pleurait trop dedans pour que tu puisses venir y bavarder avec mes oiseaux dans la tête...longtemps, ça a trop pleuré, dévalé les pentes de mon corps. J'ai retrouvé un jour ce que j'acrivais à la pâle lueur de l'adolescence arrachée, oh pauvre gamine me suis je souvent dit....c'était de moi dont je parlais, et le "pauvre gamine" était la parole d'une femme adorant les enfants, les voulant à l'abri de toute douleur......j'aurais voulu rentrer dans ces mots et me prendre dans les bras tant j'ai eu mal de constater à quel point j'étais dévastée. Je le savais mais les mots, les mots des quatorze ans sont tellement sans déguisement..

Ah là là frangin, je me demande si le jour de mes 90 ans, je serai encore à t'écrire comme je le fais chaque an à Noël, à mon anniversaire et à celui de cette signature noire.

Surement oui...!

 

Je te remercie d'être venu hier soir me parler au début des rêves, ton visage était si beau, là si proche qu'il me semblait pouvoir te toucher...c'est pour ça que je t'écris aujourd'hui, parceque tu es vraiment venu poser tes beaux yeux sur mes paupières pour me dire que tout va bien, que tout ira toujours bien et que nous nous retrouverons le temps venu. Quand je doute un peu, un peu seulement, tu reviens me le dire...ta petite soeur alors est entièrement rassurée . Et a envie de danser ( qu'est ce qu'on a dansé tous les deux ....et ri de si bon coeur....!!!).

 

Aujourd'hui, le ciel est d'un bleu à pleurer de bonheur tellement il est comme un vitrail délicat . Je crois qu'aujourd'hui tout va être beau à pleurer, c'est un jour à larmes de Joie de pouvoir recevoir tout ce que je vais recevoir...le vent, le vert des arbres, le bleu du ciel.....je te raconterai ce soir .....;

 

Je te laisse un peu, je vais boire un café et me mettre en route , m'occuper des fleurs avec ta main pas loin de la mienne.....

Je te glisse à l'oreille quelques mots doux, je t'aime mon frère ! A bientôt !

Ta petite soeur

 

 

 

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Commentaires
S
Superbes phrases qu'il entendra du haut de son ciel étoilé. C'est la première fois que je lis un texte aussi long dédié à votre frère, ce lâcher prise est une forme peut-être de nouvelle sérénité.
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